La Cour de cassation rappelle une distinction nette entre les couples mariés ou pacsés et les concubins. Si les premiers bénéficient d’une suspension automatique de la prescription pendant leur union, les seconds ne peuvent s’en prévaloir. Le concubinage ne constitue pas, à lui seul, un empêchement à agir de nature à suspendre la prescription. Deux décisions récentes illustrent ce principe avec clarté.

La prescription n’est pas suspendue par la vie commune

Dans les deux affaires examinées, des concubins avaient acquis un bien immobilier en indivision. À la fin de la relation – séparation ou décès –, l’un des partenaires réclamait le remboursement de sommes versées pour le compte de l’indivision ou du défunt. Leurs demandes furent jugées prescrites. La Cour de cassation a estimé que le concubinage ne peut constituer un empêchement d’agir au sens de l’article 2234 du Code civil. En effet, pour suspendre la prescription, l’empêchement doit résulter d’un événement imprévisible, irrésistible et extérieur à la personne concernée, conditions que la vie commune ne remplit pas.

La Cour refuse toute assimilation aux couples mariés ou pacsés

Le législateur accorde aux époux et aux partenaires de PACS la suspension de la prescription pendant leur union (C. civ. art. 2236). Les concubins, eux, ne bénéficient pas de cette protection. Une question prioritaire de constitutionnalité a même confirmé que cette différence de traitement ne porte pas atteinte à l’égalité devant la loi, en raison de la spécificité du statut patrimonial des concubins (Cass. 1re civ., QPC, 10 juill. 2024, n° 24-10.157).

Anticiper par la convention pour éviter le contentieux

La Cour rappelle implicitement que les concubins disposent de nombreux outils juridiques pour organiser leurs relations patrimoniales : convention d’indivision, reconnaissance de dette ou convention de concubinage. Ces actes peuvent prévoir le règlement des créances en cas de rupture et éviter la perte de droits par prescription. En l’absence de tels dispositifs, les juges peuvent, à titre exceptionnel, admettre une action fondée sur l’enrichissement injustifié, dont la prescription peut débuter à la date de la rupture (CA Riom, 12 sept. 2023, n° 21/02203).

Le message de la Cour de cassation est clair : le concubinage n’exonère pas les partenaires de leurs obligations juridiques. L’amour ou la vie commune ne suspendent pas le temps juridique. Pour se prémunir de tout litige futur, mieux vaut prévoir dès l’origine les conditions financières de la relation et les formaliser dans des conventions adaptées.
 
Source : Cass. 1e civ. 10-9-2025 n° 24-10.157 F-B ; Cass. 1e civ. 10-9-2025 n° 24-12.672 F-B